lundi 14 septembre 2009

Mon marché sobre

Avant de rentrer ce soir, j'ai fait mon petit marché. Sur mon trajet, avenue des Corsaires, se trouve un magasin Biocoop Regain. Les rayons bien -trop bien- achalandés illustrent notre propension collective à la surconsommation, regorgent de milles choses tentantes mais certes pas nécessaires. Je dirai donc que l'on y dépense ce qu'on veut bien. Disposant chez moi de céréales achetées chez U la semaine dernière (pâtes, riz et semoules), j'avais seulement besoin de légumes frais. Chez U, en bas de chez moi, on ne trouve guère de Bio que des agrumes (oranges et citrons). J'ai donc acheté deux jolies courgettes (490g pour 0,94€), des tomates-grappes (555g pour 1,65€) et deux parts de raisin Exaltat aux petits grains dorés et très sucrés (180g pour 0,93€). En produits frais, étant seule, j'aurai donc dépensé précisément 3,52€ pour toute la semaine. Je ne fais pas les choux gras de l'industrie agro-alimentaire et m'en tiendrai à mes choux Bio en dépit de l'étude publiée dans le numéro du mois d'août 2009 de l'American Journal of Clinical Nutrition. Cette "étude" (financée par l'Agence britannique des normes alimentaires "Food Standards Agency") ne porte pas sur les végétaux eux-mêmes mais sur la prose qui a été écrite à leur sujet au cours des cinquante dernières années. Ce n'est rien de plus qu'une analyse de textes, et elle a le toupet de conclure que les produits Bio n'apportent pas d'avantages nutritionnels, mais tout en précisant que :
- concernant les protéines, la proportion entre les acides aminés essentiels est plus équilibrée ;
- concernant les glucides, il n’existe pas de données comparatives ;
- concernant les lipides, les acides gras essentiels ont une composition plus favorable à la santé. Ainsi, la proportion d’acides gras oméga 3 et d’acide linoléique conjugué (ALC) a tendance à être plus élevée dans le lait bio. Or un équilibre optimal dans les apports d’acides gras essentiels contribue notamment à prévenir les maladies cardio-vasculaires et le cancer ;
- concernant les minéraux, des teneurs plus élevées en magnésium et en fer dans les produits biologiques ;
- concernant les métabolites secondaires, de nombreuses substances résultant du métabolisme secondaire des plantes sont bénéfiques pour la santé aux teneurs présentes dans les végétaux. Elles sont anti-oxydantes, immunostimulantes, anti-inflammatoires ou encore protectrices contre le cancer et les maladies cardiovasculaires. Les plantes synthétisent ces substances notamment comme moyen de défense en cas d’attaque par les maladies ou les ravageurs. Les teneurs en ces substances sont estimées être 10 à 50% plus élevées dans les légumes biologiques que dans les conventionnels. La plupart des résultats disponibles sur les métabolites secondaires concernent  les polyphénols, doués de propriétés anti oxydantes. Les fruits et les légumes biologiques ont tendance à en contenir davantage.

Je cite d'autres études :

Une étude réalisée par le FiBL et l’université de Bourgogne à Dijon montre que le vin issu de raisins biologiques contient davantage de resvératrol que le vin conventionnel. Le resvératrol est un polyphénol présent dans la peau du raisin et surtout dans le vin rouge. Le pouvoir antioxydant évalué par diverses méthodes validées scientifiquement mesure l’action antioxydante de l’ensemble des constituants de l’aliment considéré. Les antioxydants jouent dans l’alimentation un rôle protecteur contre les dommages subis par les cellules, et donc dans la prévention des maladies.

Des études américaines et britanniques1,2,3,4 démontrent qu’il y a eu une diminution de la teneur en vitamines et minéraux des fruits et légumes frais au fil des 60 dernières années. Ces changements coïncident avec les changements dans les pratiques agricoles.

Une étude 5, publiée en 2001, tente de faire le point. Virginia Worthington, chercheur à Washington DC et docteur en nutrition, a fait ressortir les principales différences observées dans la littérature scientifique entre les végétaux biologiques et non biologiques. L'étude de Worthington a observé que les cultures biologiques contiennent considérablement plus de vitamine C, de fer, de magnésium et de phosphore et des protéines de meilleure qualité. Elles présentent aussi un contenu en nitrates considérablement plus faible que les cultures conventionnelles. La chercheuse a également observé un taux plus élevé en éléments minéraux significatifs et des taux plus faibles de certains métaux lourds.

En tout, elle a tenu compte de 41 recherches différentes pour faire des comparaisons au sujet de 35 éléments nutritifs. Pour les 5 végétaux les plus souvent étudiés, la laitue, les épinards, la carotte, la pomme de terre et le chou, les résultats démontrent que les biologiques contiennent davantage de vitamine C, de fer, de magnésium et de phosphore que ceux issus de l’agriculture traditionnelle. Quelques exemples : les épinards «bio» contiendraient jusqu’à 52% plus de vitamine C que les traditionnels, le chou 41% plus de fer et la carotte biologique serait jusqu’à 69% plus riche en magnésium que la non «bio».

De plus, la quantité de nitrates (substance toxique) est 15,1% moins élevée en moyenne dans les végétaux biologiques.

Les autres végétaux qui reviennent souvent dans plusieurs de ces études sont la betterave, le poireau, la tomate, le poivron, la lentille.

Les résultats du travail de Worthington se rapprochent de ceux d’autres études, dont une menée pour le gouvernement allemand en 19956 (Woese et al.). La teneur supérieure en certains éléments nutritifs des aliments «bio» s’explique par les effets indésirables des pesticides et engrais chimiques sur le sol, sur sa fertilité et sur le métabolisme des végétaux. Différents phénomènes entrent en jeu, selon le pesticide ou engrais en cause et selon le type de végétal.

En revanche, les méthodes utilisées en agriculture biologique (rotation, compostage, protection de l’érosion, etc.) contribuent à la conservation de la santé et de la fertilité du sol et fournissent des éléments nutritifs aux microorganismes bénéfiques présents dans le sol. N’oublions pas que c’est ce sol qui nourrit nos végétaux !

Références

1Bergner P. The Healing Power of Minerals, Special Nutrients and Trace Elements. Rocklin, Ca: Prima Publishing Co., 1997: 46-75.

2Jack A. Nutrition under siege. One Peaceful World 1998; 34: 1-8.

3Klein BP, Perry AK. Ascorbic Acid and vitamin A activity in selected vegetables from different geographical areas of the United States. J Food Sci 1982; 47: 941-48.

4Mayer A-M. Historical changes in the mineral content of fruits and vegetables: A cause for concern? Br Food J 1997; 99: 207-11.

5Worthington V. Nutrtional quality of organic versus conventional fruits, vegetables, and grains. The Journal of Alternative and Complementary Medecine 2001; 7: 161-73.

6Woese K, Lange D, Boess C, Bogl KW. A comparaison of organically and conventionally grown foods-Results of a review of the relevant literature. J Sci Food Agric 1995; 74: 281-93.